Lauren passait le plus clair de son temps agrippé au bar comme si ça avait quelque chose de réellement stupéfiant d’avoir trouvé un job dans un bar, qui plus est, reste dans un style anglais qu’elle apprécie beaucoup. A vrai dire, nous étions deux pour avoir la place. Ce n’est pas tous les jours facile d’être étudiant, encore moins quand les parents ne sont pas là pour donner un coup de main ou n’en ont pas les possibilités. Donc, quand elle m’a vu pour la première fois derrière ce bar en bois, elle n’en avait pas cru ses yeux. « Je suis entrain de travailler Lauren. » Ses yeux me fixèrent comme si j’avais quelque chose de mal, comme si ce poste lui appartenait depuis le début et si je m’étais comportée comme une véritable amie, je n’aurai même pas pris la peine de postuler. Néanmoins, elle devait aussi savoir que ce n’était pas éternel comme travail, que je ne fais pas des études de droit dans l’unique but de me retrouver à cinquante ans à servir des bières – excellentes soit dit en passant – alors que j’ai beaucoup mieux à faire en tant qu’avocate ou je ne sais pas, d’autres horizons encore. « Non, Loan. Je suis curieuse de savoir comment tu as obtenu ce poste parce qu’il n’y pas photo. Tu n’as pas vraiment le profil d’une serveuse. » J’arquai légèrement un sourcil, surprise par ce qu’elle venait de dire. C’était donc ça l’amitié ? Attendre des autres qu’ils nous reprochent les pires choses alors qu’on fait tout pour s’en sortir. Non, j’étais toujours partie du principe que si on tient réellement à quelqu’un, on devrait tout accepter. Autant ses défauts, que ses qualités, ses erreurs ou ses moments de joie. Lauren ne devait pas comprendre la signification ce simple mot. Malheureuse. Je soupirai alors légèrement, lui faisant ainsi comprendre qu’elle m’énervait au plus haut point. Si dans les deux secondes qui suivaient elle n’avait pas déguerpi, je me chargerai moi-même de la faire sortir d’ici. « Tu as fini ? Tu peux partir maintenant, j’ai du boulot. »

Deux minutes plus tard, je n’étais plus obligée d’humer son odeur indélicate. Un peu de vacances même si j’étais encore derrière ce bar pour une bonne vingtaine de minutes. Je servis alors encore quelques consommations aux clients. Ce n’était pas un boulot fait pour moi, mais ce n’était pas comme si j’avais le choix. Je me passerai bien de ces dimanche soir où je suis obligée de rester ici au lieu d’être tranquillement chez moi, avec des amis ou bien entre des bouquins. Ou encore, m’estimer heureuse d’avoir cette gueule de bois que je n’avais pas eu depuis un moment. A défaut de pouvoir sortir un peu, je passais le temps dont je disposais pour travailler un peu sur mes cours. On ne peut pas tout avoir, c’est ce que l’on m’aurait dit si j’en arrivais à me plaindre. S’en suit alors un petit tour par les vestiaires pour aller récupérer ma veste. Je fais un rapide au revoir de la main au patron et m’apprête à sortir, jetant un coup d’œil rapide à mes possibles appels ou messages que mon téléphone. Au lieu de ça, je me bute plutôt dans quelqu’un, manquant de le faire tomber. Je n’étais pas en colère, en fait, je m’en voulais plutôt. Je n’avais pas fais attention et ça aurait dû être le cas. « Je suis vraiment désolée. Tout va bien ? » Devant moi se tenait un jeune homme blond que j’avais déjà eu l’occasion de croiser à quelques soirées. Du moins, si mes souvenirs sont bons. « Je peux me faire pardonner en t’offrant un verre. Je travaille ici, donc ça ne devrait pas être un souci. »