Aidan
Palmer

Cela faisait une semaine à présent que je l’avais rencontré. Elle m’avait paru irréelle. Pourtant, je me rappelais chaque trait de son visage. Chaque expression. Elle était gravée dans ma mémoire. Je n’avais jamais vécu de coup de foudre. J’y croyais, quand on était irlandais de pure souche, on croyait en toute magie. Mais je ne l’avais jamais vécu. Et ce jour-là, sur le banc, à lui parler, la regarder et l’écouter … j’avais su, senti qu’elle serait unique. Le destin était parfois drôle. Etant la propriétaire de la galerie, cette galerie qui m’intéressait depuis tant de temps, nous étions forcés de nous rencontrer. Pourtant, elle était fermée, avait-elle dit. Elle était inactive depuis bien longtemps. Pourquoi? Je l’ignorais encore, mais je comptais bien être le premier à inaugurer sa résurrection.

Nous avions pris rendez-vous. Je ne savais pas si elle avait noté, si elle se rappellerait, tellement elle semblait perdue. Mais j’espérais bien qu’elle serait là. Il fallait que je la revois. Ne serait-ce que pour me dire que je n’avais pas rêvé. Je trouvais ça surprenant que, depuis cinq ans déjà que je vivais à Sydney, et que je passais devant cette petite galerie, je ne l’ai jamais rencontré avant. Encore une fois, je suppose que le destin en avait décidé ainsi. Enfilant un jean, une chemise et ma veste, je sortis de mon appartement légèrement miteux. Je m’étais habitué à ce petit espace, contenant le strict nécessaire. Ça ne faisait pas rêver, mais c’était bien assez pour survivre. Après tout, j’avais un toit sous lequel dormir et manger … beaucoup ne pouvait pas avoir cette chance. Alors autant apprécier la mienne. En ce moment, je bossais comme livreur de journaux. Ça ne payait pas des masses, mais ça payait les factures. J’espérais bien que la roue tournerait pour moi, grâce à ma passion et mon talent. Portant la pochette contenant mes créations, je la serrais contre moi une minute, comme pour forcer ma chance.

Quelques minutes plus tard, j’étais face à la galerie. Comme une semaine plus tôt. Je restais là, immobile, à la contempler. Elle était là. Toujours aussi belle. Aussi irréelle à mes yeux. Elle semblait méditée ou réfléchir. Comme la dernière fois. Et elle semblait souffrir. J’aurais eu envie de lui ôter ce poids, de lui soulager cette douleur qu’elle portait en elle. Mais comment? Alors, décidant de la sortir de sa torpeur, je rentrais dans ce petit coin de paradis …