Un bruit sourd retentit. Je sus alors que c’était pour moi. J’allais me regarder dans le miroir, puis je m’approcherais de la porte et leur ouvrirais. Je serais à eux pour quelques instants, quelques minutes des plus horribles et dégoûtantes. Je referais ce que je faisais chaque soir de chaque semaine depuis plusieurs mois. Décidée, je me levai et me dirigeai vers l’entrée du salon privé. Dieu seul savait ce que j’étais venue faire ici. La raison de ma venue dans cette boîte. Je fis entrer les deux hommes et refermai la porte derrière eux. Ils ne perdirent pas de temps et commencèrent à me parler sur un ton très agressif et qui ne méritant aucune compassion et gentillesse. Je me contentai de répondre à leurs questions, puis, très vite, à leurs attentes. Après tout, c’était ce que je devais faire pour pouvoir m’acheter à manger et me fournir en drogue. Pour survivre quoi. L’homme face à moi arborait un air grave et je n’arrivais pas à le cerner. Il semblait venir ici pour oublier sa vie de merde, toutes les conneries qui lui étaient arrivées dans la journée. Je me trouvai là, debout en sous-vêtements. Ils ne cessaient de regarder mon corps. Surtout le deuxième type dont le visage était déformé par toute la perversité qu’un être peut supporter. Il me paraissait mauvais, loufoque et dérangé. Il avait limite la carrure d’un tueur en série le gars. Je débutai par leur parler du coût. Il était bien évident que je n’allais rien faire sans argent en retour. Ils me promirent le compte. C’est alors que commença mon travail. Je me rapprochai d’eux et les poussai d’un geste vif afin qu’ils tombent sur un sofa derrière eux. Il était recouvert d’un drap bordeaux en soie. L’un des deux mecs me paraissait vraiment étrange et sournois. Je me vis alors leur demander l’argent maintenant. Avant l’action pour être sure. Après tout, ils ne pouvaient être que surs de ce que j’allais faire. J’avais un boss. Ce fut alors à ce moment que les choses se compliquèrent. Le plus baraqué refusa. « Bien, alors sortez d’ici. » Je voulus avoir toute la conviction du monde mais apparemment, cela n’eut aucun effet sur lui. Il se leva et m’empoigna. Je me retrouvai en quelques secondes aux côtés du brave type qui lui, n’avait rien dit depuis le début. Ce qui semblait d’ailleurs continuer. Je n’avais plus moyen de bouger mes bras, sa poigne de fer me privait de tout mouvement. « ARRÊTEZ ! » Je me débâtais tandis que lui dégrafai mon soutien-gorge. Je parvins tant bien que mal à lui mettre un coup de pied à l’entre jambe et courus me mettre une serviette autour du buste pour couvrir ma poitrine. « MAIS VOUS ÊTES CINGLES ! »

Je me tournai vers l'homme qui faisait irruption. Je ne sus quoi penser de son arrivée. Que comptait-il faire? Je ne m'attardai pas sur son visage. Il entama le dialogue et tenta de les faire partir juste avant de se prendre une droite dans la tête. Je tenais toujours la serviette autour des mon buste. A l'impact je tressaillis. Cela avait du faire assez mal. Puis il s'en occupa. Le vigile entra à son tour et dégagea l'un des deux gars puis revint s'occuper de l'autre.
Je vis alors le dernier arrivé palper son visage comme pour constater les dégâts. Il saignait pas mal. Il se tourna vers moi et ses yeux d'un bleu incroyable croisèrent les miens. Il avait un visage fin et qui attirait la sympathie. Ses cheveux était brun bien que très foncé. Je le reconnus finalement. Il était le gérant du Streap Cross.Sa voix me sortit de mes pensées. Sans m'en rendre compte je m'étais arrêtée sur son visage bien trop longtemps.
Il me demanda si tout allait bien. « Hum... O.. Oui oui merci.. » Je me sentais très gênée pour deux raisons. Tout d'abord, j'étais à moitié nue, même si cachée derrière une serviette, devant quelqu'un que je ne connaissais pas. Bien sur mon métier était d'être nue la plupart du temps mais cela ne
concernait que ceux qui payaient pour et enlevait donc toute pudeur. La deuxième était qu'il était blessé et ce par ma faute. Tout cela parce que je n'avais pas été capable de les gérer. D'habitude je m'en sortais toujours mais ce soir là, c'était pas pareil. Tenant la serviette d'une main, je pris un paquet de mouchoir dans mon sac et le tendis au jeune homme.
« Tenez... Je suis désolée.. J'aurais dû..» Faire quoi? L'empêcher? Ne pas crier? J'aurais dû faire quelque chose pour éviter d'attirer l'attention sur moi.
Je récupérai mon haut sur le canapé et lui tournant le dos, je le remis puis enfilai un T-shirt et un jean. Je m'en voulais et je me sentais tellement bête...

« Je m'en veux je... »
Je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire. D'accord il m'arrivait sans arrêt des problèmes mais je ne voulais pas entrainer les autres avec moi ... Rester dans la débauche et laisser la vie m'offrir ce qu'elle avait à me donner était mon quotidien. Mais je ne voulais pas que mon entourage et même les gens que je ne connaissais pas subissent mes erreurs.
Je me laissai tomber sur le lit à côté de lui. Blasée, Gênée et encore un peu sous le choc. Je me tournai vers lui et le regardai. Plus je voyais sa blessure, plus j'étais mal à l'aise.

Le jeune jeune homme prêta une oreille distraite à la réponse de Capri. Il effleura du bout des doigts la peau fendue de sa pommette. Il savait que ce genre de blessure méritait parfois un bon coup d'aiguille à coudre. Deux stéri-strip devraient faire l'affaire... Il pensa à ses cours du lendemain et au mauvais regard que ses professeurs porterait sur lui. Il soupira puis la jeune femme le tira de ses pensée en bafouillant quelques excuses et en lui offrant de quoi essuyer le sang qui coulait sur sa joue. Mikhaïl accepta les mouchoirs avec un hochement de tête.

Il leva les yeux au ciel "J'aurais dû..." Qu'aurait elle dû faire ? Les femmes étaient toujours si fragile, toujours à vouloir porter le malheurs des autres sur leurs frêles épaules. Cependant il ne releva pas les paroles de la jeune femme et se contenta de se concentrer sur ce qu'il faisait. Très occuper à essuyer le sang sur ses main il laissa la jeune femme s'éclipser pour aller enfiler une tenue un peu moins dénudée.

"Je m'en veux, je..." Jusqu'ici Mikhaïl n'avait pas dit un mot, mais à cette phrase il répliqua sur un ton qui ne se voulait pas réconfortant. "Je n'ai pas fait ça pour jouer au héros. Les filles qui travaillent ici ont toutes le droit au...." Sa voix s'effaça presque lorsqu'il aperçut les grands yeux de Capri "Respect..."
Comment pouvait il parler de respect à cette fleurs, bafoué, humilié par les hommes et piétiné par la vie ? Des prostitués, il en voyait défilé, mais la plus part étaient vulgaire et provocante. Ce n'est pas ce qui le frappa chez Capri...

Mikhaïl esquissa un très léger sourire et tamponna sa blessure avec un mouchoir propre. "Ce n'est pas ma soirée..." Lança-t-il en repensant à son fiasco au poker puis à cet incident. "Pas la tienne non plus hein...?" Ajoutât il d'une voix calme.

Le vigile qui était venu lui preté main forte quelques minutes auparavant passa la tête dans l'encadrement de la porte et jeta un regard interrogateur au frère Vassilievski.
"Dis à Mr Vassilievski, d'expliquer à ces Messieurs les bonnes manières." Puis comme le vigile ne semblait pas vouloir partir Khaïl le chassa d'un vague jeste de la main, agacé. "Dobro Alekseï, vidimo se !" Le vigile quitta alors l'embrasure de la porte et retourna à ses fonctions.

Mikhaïl tourna alors un regard interrogateur vers Capri. "Vous n'êtes pas une fille de Zdravko ? C'est la première fois que je vous vois ici..." Il décida de se présenter afin qu'il n y ai pas de confusion. "Je suis Mikhaïl Vassilievski, le frère du patron."

Il me parla de respect. Sur cette idée naquit un sourire qui ne provenait pas pour autant d'un sentiment joyeux. Une expression qui se voulait finalement ironique. Le monde s'amusait avec moi. Je n'étais qu'un minuscule pion au milieu d'un grand échiquier et à plusieurs reprises, je m'étais retrouvée en échec et maths. Ressasser ma vie catastrophique me fit monter les larmes aux yeux que je dissimulaient tant bien que mal. Mon dieu, heureusement que Bliss était là. Et encore, je ne l'avais toujours pas récupérée chez ce salaud ... Je fixai dorénavant un point du mur, semblant perdue dans mes pensées. Je voulais décrocher mon regard mais je ne pus pas sur l'instant. Je m'étais trouvé un confort dans l'immobilité et dans la non nécessité de parler et de vivre. Même sa voix ne me sortit pas de ma torpeur. Je pus percevoir un sourire dans son ton. Ce n'était pas sa soirée ? La mienne non plus. Il le remarqua un peu plus tard également. Je poussai un léger soupire comme pour un rire frêle presque inaudible. Sa voix calme et apaisante attira mon regard vers son visage. « Non pas vraiment ...»

Le vigile me fit sursauter. J'eus en premier lieu peur que l'un des deux gars soit de retour. Je commençai à me lever puis reconnus la carrure de l'homme dans l'ouverture. Je me rassis alors sur le lit, soulagée. Le brun et le vigile parlèrent quelques instants. Puis il s'en alla après une exclamation agacée de la part de l'homme qui m'avait en quelques sortes sauvé.
"Vous n'êtes pas une fille de Zdravko ? C'est la première fois que je vous vois ici..." Je pris un peu de temps pour lui répondre. Zdravko ? Alors lui, qui était-il ... Je ne comprenais plus rien.

« Non pas vraiment ...» Puis je remarquai que je venais de dire la même chose qu'il y avait à peine quelques minutes. « Enfin je veux dire non. J'ai été appelée pour un remplacement sur quelques jours...» Cette proposition m'avait d'ailleurs beaucoup réjouie étant donné qu'elle me fournissait deux fois plus d'argent qu'en temps normal. Mais le contrat prenait bientôt fin. Il se présenta alors. Je posai mes yeux sur son visage. Mikhaïl, le frère du patron.
Tout s'expliquait. « Ah, vous êtes jumeaux... Je me disais aussi...» Je laissai un léger rire accompagné d'un sourire s'échapper. « Je suis Capri Hemingway.» Un sourire laissant apparaitre deux fossettes au coin de ma bouche mit fin à mon stoïcisme.
« C'est sympa comme contexte de rencontre...» J'avais dit cela sur un ton ironique à souhait. Je baissai les yeux, toujours avec un léger sourire.

"Ravi de faire ta connaissance."
« De même .»
Je l'observai se lever et se diriger vers la porte. Je ne sus pas ce qu'il dit alors au vigile, mais il l'avait dit avec une voix grave et sonore.
"J'ai connu mieux en effet comme circonstances pour une rencontre. Mais le résultat est là. Nous nous sommes rencontrés !"
« Oui, c'est vrai. Tu as raison ...» Allez savoir ce qui me prit sur le coup de le tutoyer... Tant pis. Après tout, ce n'était pas mon boss ni vraiment le gérant de la boîte. Et il avait l'air vraiment sympathique comparé à son frère qui en quelques sortes m'effrayait un peu dans sa manière d'agir avec les femmes. Je remarquai la douleur avec laquelle il vivait au moment même où il se trouvait dans cette même pièce, face à moi. Il en prit sa tête. Il souffrait physiquement, j'étais mal mentalement. Même si la maigreur de mon corps témoignait de l'usage abusif de drogue, je me sentais plus mal à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Une jeune femme brisa le silence pesant qui venait tout juste de s'installer. Elle arriva avec une bouteille de vodka et deux verres.
"Nina laisse la bouteille."
J'observai alors l'expression du visage de Mikhaïl. Il n'y a pas vraiment de mots pour la décrire clairement. Il secoua la tête puis regarda dans ma direction. Un sourire était apparu. Il donnait une incroyable impression de douceur et de calme.
"Toutes cette agitation, ca me fatigue. Et ça, ça réveillerait un mort !"
Je ris à sa remarque. Heureusement, je n'avais pas développé trop d'atomes crochus avec l'alcool. C'est ce qui manquait à ma vie pour faire de moi une vraie débauchée.
"Tiens."
« Merci ! » Je lui adressai un large sourire.
"Au faites, pour combien de temps encore Zdravko à dit qu'il avait besoin de toi ?"
«Hum... Il m'a dit deux ou trois jours à partir de Lundi. Il reste donc deux jours maintenant. Après, je retourne là-bas... »
Il n'est surement pas nécessaire de préciser que "là-bas" était mon lieu de travail, glauque et mal dirigé. Mal payée et abusée parfois. Mais bon, quand on a besoin d'argent, on fait avec.
« Ton jumeau ne te ressemble pas du tout niveau... personnalité...»
Je voyais bien évidemment la grande similitude entre leur deux visages mais il y avait cette expression différente sur chacun. Je me suis toujours attardée sur les visages des gens, je ne sais pas pourquoi. Zdravko m'avait en quelques sortes proposé un travail mais lorsqu'il m'a contacté j'aurais pu être une vache, un chien ou n'importe quel autre être vivant inférieur sur cette planète, il m'aurait parlé exactement pareil.

[Désolé du gros retard, j'ai eu une semaine speed !]

Mikhaïl fit tournoyer les glaçons dans son verre. La vodka était de loin sa boisson préférée. Il la buvait pure le plus souvent, mais il l'appréciait aussi aromatisée ou dilué dans du soda. C'était une boisson qui s'accommodait de tout ce qu'on pouvait lui ajouter. A force d'en consommer le jeune homme n'avait plus aucune difficulté à tenir l'alcool, il buvait sa comme du petit lait jusqu'à tomber ivre mort. C'était une sale habitude à vrai dire mais le père des jumeaux, lui même grand amateur de vodka, avait volontiers transmis son addiction à ses fils alors qu’ils entraient à peine dans adolescence. Il approcha l’alcool de sa bouche, elle avait une odeur de désinfectant, il esquissa un sourire et porta le verre à ses lèvres pour avaler une gorgée.

"Tu retournes là bas..." Répéta le garçon comme si il avait besoins de se l'entendre dire pour l'assimiler. Capri n'avait rien évoqué de plus, comme si elle faisait de son gagne pain un tabou. C'était typique des filles qui n'avaient pas choisit de finir ainsi. Mikhaïl n'avait pas l'habitude de plaindre ces filles, après tout il y avait d'autre moyen dans la vie pour s'en sortir que de vendre son cul ! Mais Les grands yeux de la jeune femme étaient parvenus à l'attendrir et il se sentait presque coupable de ne rien pouvoir faire pour elle.

C'est alors que la voix de Capri le tira de ses réflexions intérieures. Après une seconde il parut prendre enfin conscience du sens de la phrase de son interlocutrice. Un rire lui échappa et il haussa un sourcil."Zdravko à beaucoup de responsabilité, il ne faut pas se laisser ramollir lorsque l'on tient une boite comme la sienne. Il n'a pas le temps pour les états d'âme. Mais au fond il n'est pas si différent de moi." Le jeune homme avala une nouvelle rasade de vodka, ce qui eut pour conséquence de vider son verre. Mikhaïl se leva et alla chercher la bouteille qui était restée près de la porte. Il retourna s'assoir et se versa une nouvelle dose de vodka. Il jeta un regard vers Capri. Elle était très jolie, mais elle ne possédait pas la beauté vulgaire et agressive de certaines. Elle était belle, et pour le moment Mikhaïl n'avait pas décelé en elle la personnalité aguicheuse qu'il haïssait chez les filles bien faites.

"En parlant de mon frère... Il a évoqué hier un manque de personnel au service. Il cherche des filles mignonne pour distribuer les bouteilles, nettoyer les tables, pousser les clients à la consommation... Un boulot un peu plus sympa que les "peep-show" et payer de façon moins aléatoire." Il fit une pause, fit coulisser son pendentif en forme de croix sur sa chaine en or pour remettre le fermoir qui avait tourné, sur sa nuque. "Si ça t'intéresse, je peux te laisser mon numéro. Tu auras tout le temps d'y réfléchir comme ça !"

Les iris bleus de Mikhaïl fixèrent un instant le visage d'ange de Capri, l'intensité de son regard s'effaça finalement alors qu'il tombait sur les glaçons qui roulaient doucement dans son verre.