« i'm here for you »

Je pris une grande respiration avant de tirer sur la poignée de mon casier et d'empoigner le nécessaire pour une bonne douche. C'est ce qu'on appelait une longue journée pénible. Je n'étais pas du genre geignarde ou quoique ce soit, mais avec ce taux d'hormones, j'étais complétement à bout. Je me glissai sous l'eau chaude et fermai les yeux. J'appréhendai le moment de rentrer à la maison. Le moment où je croiserai les yeux de mon fiancé sans pouvoir lui avouer que j'étais enceinte. C'était un secret tellement lourd à garder, mais pouvais-je faire autrement? Je devais trouver une solution. Certes, l'avortement n'était pas une option. Et, je savais que je devais pas prendre cette décision seule, je devais en parler avec le père. Hors, qui est-il? Aucune idée. Jared ou Liam? Au moins, la liste de choix n'est pas trop longue. Je sortis de la douche, pas le moindrement relaxée. Ce n'est pas comme si je pouvais me sortir cette histoire de la tête. J'enfilai mes sous-vêtements et passai mon jeans. Je revêtis mon pull trop grand. Je laissai mes mains sur mon ventre un instant. Je pouvais déjà sentir un changement sur mon ventre. Je secouai la tête et ajustai le vêtement. Décidément, j'avais bien fait de l'acheter plus grand. J'attrapai mes affaires dans ma case lorsque mon bipper sonna. Je souris, je pourrai retarder mon retour à la maison. Je refermai ma case et partis vers le bureau des infirmières, c'est de là qu'on m'avait bippé. « Amy, on m'a bippé. Qu'est-ce qu'il y a? » Elle me sourit. « Oh, rien de grave. Ton patient de la chambre 1903 attend une signature pour sa sortie.» Je signai le papier de sortie, j'aurai du le faire ce matin, mais les hormones et cette histoire de grossesse me perturbait tellement que j'en oubliai tout. Je lui redonnai le papier en la remerciant. Une chance qu'elle était là, sinon il y aurait une file de patients furieux contre moi. « Si tu as encore du temps, tu n'as pas encore fini de remplir ces dossiers..» Je souris malgré moi devant cette opportunité.Je tirai sur la pile de dossiers et les fis accidentellement tomber. Pas seulement les miens, absolument tous les dossiers. Je soupira devant ma gaffe, mais bon, j'y étais habituée. Je posai les genoux par terre et m'étirai pour rassembler tous les dossiers. Je les plaçai par médecin lorsqu'un nom attira mon attention. Jake Daniels. Je fronçai les sourcils. J'étais le médecin de Jake, depuis son premier accident au travail. Et je n'avais jamais eu connaissance de ce dossier. Je le mis sur ma pile et classai les autres distraitement. Je me dépêchai maintenant, parce que je voulais connaitre la nature de ce dossier. Je remis les piles sur le bureau avant d'attraper celui de Jake et de m'isoler dans une salle de consultation. J'ouvris celui-ci et perdis mon souffle en découvrant le contenu. Je ne pouvais tout simplement pas y croire. Je levai les yeux au ciel pour retenir les larmes. Je ne savais pas ce qui m'attristait le plus, le fait que mon meilleur ami ait le cancer ou celui qu'il ne m'en ait pas parlé. Je me relevai péniblement. On pouvait dire que c'était carrément un choc. Je sortis de la salle et retournai au bureau des infirmières. « Dites, Amy. Savez-vous si ce patient a un rendez-vous d'ici peu? » Elle prit le dossier et tapa quelque chose à l'ordinateur. « En fait, il est ici aujourd'hui pour quelques tests. Chambre 5026. » Je la remerciai et attrapai le dossier. Je montai les escaliers quatre à quatre, pas la peine d'attendre l'ascenseur. Je marchai dans le couloir lorsque mon pas ralentit. Je pris une grande respiration. Moi qui fuyait la confrontation avec mon fiancé, j'allais en déclencher une avec mon meilleur ami. Ah mais, bon sang, comment Jake pouvait-il m'avoir caché ça? Je passai le cadrage de porte et fermai celle-ci. Je posai le dossier sur le lit sans lui adresser la parole. Je me posai contre la porte. Je serrai la mâchoire, retenant mes larmes de nouveau. « Y-a-t-il quelque chose qu'il faudrait que tu me dises? »

Jammy et Jake, Jake et Jammy, cela faisait déjà un bon moment que ces deux là se connaissaient, Jake n’était encore qu’un « débutant » dans son métier de policier, il s’était battu et s’était retrouvé avec quatre points de suture : rien de bien grave mais la personne qui lui avaient soigné ces quelques blessures n’étaient nulle autre que la belle Jammy. Ils s’étaient tout deux très vite entendus, rapprochés aussi, ils s’étaient revu et revu et encore revu ; enfin dieu merci ce n’était pas que Jake passait sa vie à l’hôpital, s’était juste parce qu’ils étaient devenu de très bons amis : des meilleurs amis. Aujourd’hui, Jake compte Jammy comme sa meilleure amie, l’une des seules qu’il protégerait jusqu’à sa mort, celle qui comptait pour lui autant que Chelsea, sa sœur, Tallulah, sa petite amie et Liam, son meilleur ami, celle à qui il lui confiait ses problèmes de cœur, celle à qui il racontait tout… ou presque.
Jake avait tout dit à Jammy, ses problèmes de cœur, ses problèmes de famille, sa sœur qui hurle H24, son travail qui le fatiguait souvent, ses parents qui avaient été tué et qu’il n’arrivait pas à oublier et d’ailleurs, il y a autre chose aussi qu’il a oublié : lui mentionner qu’il était malade. Jake n’était pas vraiment le genre de personnes à cacher ses problèmes… si en fait, il était totalement ce genre d’homme. Enfin, tout dépendait de son interlocuteur, et cette fois-ci, c’était sa meilleure amie, meilleure amie qui je rappelle est médecin et meilleure amie qui deviendrait folle si elle apprenait pour son cancer.
Il avait déjà eut à faire à Chelsea et Tallulah… et il ne savait pas vraiment s’il pourrait supporter encore de le dire à Jammy. Il ne l’avait dit - d’ailleurs pour Chelsea, ce n’était même pas intentionnel - qu’à ces deux jeunes femmes qu’il voyait tout les jours ou presque et pourtant, il avait l’impression de l’avoir annoncer à toute une équipe de foot. Les deux jeunes femmes avaient eut chacune une manière de réagir différente, opposée, l’une avait crié, hurlé à la trahison, l’autre avait manqué de tomber dans les pommes et avait lâché toutes les larmes de son corps. Et c’est dans ces moments-là que Jake se dit qu’il pourrait supporter la maladie mais qu’il aurait du mal à supporter la pitié dans le regard de ceux qu’il aime plus que tout : Jammy en faisant partie, il avait décidé d’omettre de la prévenir de ce petit détail qu’il qualifierait d’« insignifiant » si on venait à lui poser la question. 

Ainsi, après une longue journée de travail, il avait prit sa voiture en direction de l’hôpital : un nouveau rendez-vous, de nouveaux tests, de nouveaux médicaments, une nouvelle pensée lui traversait l’esprit ; pourquoi lui ? Pourquoi lui parmi tous ? Non pas qu’il le souhaitait à qui que ce soit, mais n’avait-il pas assez souffert comme ça ? N’avait-il pas assez de problèmes maintenant ? Pourquoi le punir lui ? Pourquoi lui offrir cette menace en guise de récompense de tout ce qu’il avait surmonté ? Il se le demandait vraiment et ce n’est que lorsqu’il entendit le klaxon violent de la voiture voisine qu’il réalisa que le feu était vert.
Il entra alors dans le grand parking de l’hôpital toujours bondé à bloc et trouva une place après quelques minutes. Il descendit, passa par l’accueil rapidement évitant à tout prix de croiser n’importe quel autre médecin que le sien : il ne savait pas si Jammy travaillait à cette heure-ci.
Il arriva ensuite dans la grande salle magnifiquement décorée… non en fait pas du tout, blanc, pale, on se demande parfois comment certains peuvent rester ici jusqu’à leur dernier souffle, c’est tellement fade, tellement triste, tellement… tellement blanc.
Les tests terminés, son médecin lui demanda de patienter quelques minutes dans la salle le temps qu’il aille chercher je ne sais quelle autre seringue qu’il n’avait apparemment pas retrouvé dans le bric à brac de l’hôpital.
Il le laissa seul ne serait-ce que quelques secondes puis la porte s’ouvrit de nouveau, Jake se demanda pendant quelques secondes comment le médecin avait put carrément s’envoler pour aller chercher cette fameuse seringue qui prendrait un malin plaisir à entrer dans l’une des veines du jeune policier mais lorsqu’il leva les yeux vers le nouvel arrivant, il crut entendre un « ouch » sortir de sa bouche sans même s’en rendre compte. Jammy. Comment avait-elle deviné ? Qui lui avait dit ? Son médecin ? Et le secret médical dans tout ça ? Non, ce n’était pas lui, elle venait d’elle-même ici, elle avait deviné seule, il le voyait dans son regard, ce regard où il voyait bien que personne ne lui avait dit de prendre un grand souffle avant d’entrer, de ravaler ses larmes avant de passer la porte. Elle avait beau essayé de couvrir tout ça, Jake n’avait eut besoin que de deux secondes pour voir qu’elle était à la limite de fondre en larmes à son tour.
Jammy posa doucement le dossier sur le lit où Jake était assit. Elle était calme, presque trop calme pour Jake. Elle revint sur ses pas puis se cala contre la porte qu’elle venait de passer. Le ton qu’elle prit pour lui poser la question était encore plus calme qu’il l’avait imaginé. Il l’avait suivit du regard tout au long de ses mouvements lents mais lorsqu’elle avait ouvert la bouche, il avait baissé les yeux retenant peut être même un petit rire nerveux. Après un silence de courte durée, il releva les yeux vers elle et dit tout aussi calmement :

« J’allais te le dire Jam, dès le premier jour où je l’ai su… Mais j’ai pas pu. »

Il tenta d’esquisser un sourire ou quelque chose qui ressemblerait plus ou moins à ça et qui empêcherait son amie de pleurer comme l’avait fait sa petite amie en l’apprenant, il essayait tant bien que mal de la rassurer disons. Il se racla la gorge en remarquant qu’elle n’avait apparemment pas envie de lui rendre son sourire puis poursuivit d’un ton serein :

« Ecoute, Jammy, si tu veux me crier dessus ou si tu veux t’effondrer, fais-le, mais pas ici, pas devant moi. S’il te plait. »

Il la regarda droit dans les yeux s’attendant à une réaction plutôt violente après ce qu’il venait de dire. Il en avait assez, il en avait déjà assez des larmes, des cris et de tout ce qui vient avec l’annonce de sa maladie et il priait vraiment pour que Jammy tente de le comprendre… Elle était médecin après tout, non ? Ne s’y connaissait-elle pas assez pour pouvoir le comprendre maintenant plus que jamais ? Peut être en tant que médecin, mais en tant que meilleure amie ? Bonne question.

« and i will always be there »

Je respirai, j'essayai de rester calme. Je faisais de toute la volonté possible pour retenir mes émotions. Je ne savais même pas ce que je ressentais. J'avais tant de sentiments contradictoires. La colère, l'empathie, la tristesse, tout le tralalala. Et les hormones n'aidaient pas du tout. Ça me donnait un vrai coup dans le ventre. Je n'aurais jamais cru que Jake et cancer iraient dans la même phrase. Accotée contre la porte, je me décidai à ouvrir la bouche. « Y-a-t-il quelque chose qu'il faudrait que tu me dises? » J'avais prononcé la phrase en essayant de cacher les tremblements de ma voix. Il avait baissé les yeux. Je me mordis la lèvre inférieure, qu'est-ce qui me prenait? Je n'étais pas ce genre de personne, mais je tenais à régler ça. Jake avait toujours été du genre à cacher ses problèmes, mais j'avais toujours réussi à le percer à jour. Le silence pesait, mais je n'avais rien à dire. Jake releva les yeux et brisa le silence. « J’allais te le dire Jam, dès le premier jour où je l’ai su… Mais j’ai pas pu. » Je reniflai silencieusement et passai le pouce sur mes joues appréhendant les larmes, petite manie. Il tenta un sourire, je me doutais qu'il essayait de me rassurer, comme à l'habitude. Mais, je ne trouvais pas la situation amusante. Ce n'était pas qu'un simple détail. C'était une grave maladie. « Ecoute, Jammy, si tu veux me crier dessus ou si tu veux t’effondrer, fais-le, mais pas ici, pas devant moi. S’il te plait. » Je baissai les yeux et pris une grande respiration. Il me demandais carrément l'impossible. Entre les hormones de femme enceinte et cette nouvelle. Je pris une autre grande respiration. Je frottai mes mains l'une contre l'autre avant de m'approcher de mon meilleur ami. Il était assis sur le lit. Je posai mes mains sur ses genoux, sans oser le regarder en face. « Je peux bien essayer de t'épargner les larmes et la crise de nerfs, Jake. Mais, je n'arrive pas toujours à comprendre. Pourquoi n'avoir rien dit? Enfin.. Je crois que je peux comprendre. Je...Tu as toujours été cachottier et puis.. » Je relevai les yeux et tentai un sourire à mon tour. « Peu importe. Je veux que tu saches que je serais toujours là, je suis ta meilleure amie. » Je mordis ma lèvre inférieure avant de le prendre mes bras.