« Vous aviez dis que tout serait prêt pour aujourd'hui ! » « Oui, je l'avais dis, comme j'avais promis a mon père de devenir quelqu'un de bien. Vous voyez, tout le monde peut se tromper. » Là, au milieu des passants trop pressés l'homme la fixe, cherchant a déceler chez cette poupée russe une sorte d'hésitation. Parce qu'elle ne peut pas, qu'elle n'a pas le droit de le laisser là, comme ça, sans les papiers qu'il réclame. Il doit quitter le pays dans trois jours, et sans cette princesse venue de nul part, il ne pourra rien. Juste rien. Il doit faire vite, parce qu'elle ne vaut pas mieux que lui. Se faire de l'argent sur le marché de l'illégalité, est ce que ça vaut vraiment mieux que tuer son frère dans un excès de rage, ou voler la voiture d'un homme trop riche pour le remarquer ? Pourtant, la gamine, elle semble sûre de ce qu'elle fait. Comme si elle savait. Lorsqu'il plante le canon de son pistolet dans sa hanche, elle ne bronche pas, se contente d'un coup d'œil rapide dans la direction de ce client non satisfait. Mais elle y peut rien elle, si son fournisseur pourri en taule. Ouais, elle y peut rien. Elle y pouvait rien non plus, quand ce type là, le fournisseur, il s'est arrêté a sa hauteur ce soir là. Daenerys, elle était môme, elle rêvait de tout un tas de choses, comme courir pieds nus dans l'herbe. Sa voiture a lui, elle faisait un bruit bizarre, mais il avait un sourire, un sourire rassurant. Il avait une voix calme aussi, celle d'un homme qui sait ce qu'il fait, d'un homme qui, oui, aurait été capable de protéger l'adolescente naïve qu'elle était. Un con, un manipulateur, un arnaqueur. L'homme de sa vie a Daenerys. Son sauveur qu'elle dit parfois. Le menteur qui l'a tiré de son taudis pour la tirer vers un monde plein de beaux bijoux et de jolies robes. Ouais, ce type là qui croupit en prison, c'est par sa faute qu'il y est. Pour se venger qu'il ait par le passer osé voler sa vie. « Tu vas te débrouiller pour que j'ai les papiers ce soir ma mignonne. Ce soir tu m'entends ? Sinon je fais exploser ta jolie petite cervelle. » Convainquant ou presque. Sors le de prison mon fournisseur, toi, le pauvre type au pistolet. Et puis c'est pas comme si c'était la première fois, le coup du pistolet dans la hanche. Les risques du métier qu'elle vous dira. Les chiens, c'est ce qu'on lui envoi le plus souvent. Des molosses nourris a la viande. Et puis, y a les types, les grands qui viennent pour frapper. Mais les risques ils sont comme les clients : surpris par cette petite demoiselle au visage de poupée, alors les risques, ils s'enfuient. Et puis les risques, oui, ils sont largement compensés par un salaire qu'on note avec plusieurs zéros. Et ça, c'est tout ce qui importe. Un peu plus loin dans la rue, de l'autre côté du trottoir, y a deux types avec le képi remonté sur le haut de leur crâne. Deux types qui jouent les mecs forts. Je vous présente la police messieurs dames ! Alors un sourire se dessine sur les lèvres de la poupée. Parce que regardez là, avec son visage trop pâle, et ses yeux trop bruns. Son regard, elle le plante sur le type, l'agresseur, et puis elle hurle. Qu'on l'attaque, qu'il est armé, qu'il faut l'aider, elle, pauvre princesse ! Elle, innocente. La patrouille, elle rapplique ! Enfin du boulot ! Et le type, le client je veux dire, le voilà qui panique. Bordel. Cette môme, on lui avait dit de s'en méfier. Qu'elle le coulerait avant qu'il ne l'arnaque. On lui avait dit. La poupée russe, les gens ils en parlent dans la rue. On la connaît, mais seulement a l'abri des oreilles indiscrètes. Elle, la fille d'immigrés. La mystérieuse receleuse. On lui avait dit a lui, de se méfier. Il l'avait pas fait. Ce matin là, la police capturera l'homme armé au beau milieu d'une foule heureuse de se retrouver sujet d'action. Mais lorsque la police, agacée par les cris poussés par l'interpellé, déclarant que la fille qu'il venait de menacer de mort n'était autre qu'une criminelle, ou quelque chose comme ça, décida de rechercher cette fameuse demoiselle, elle avait disparut. Quelques rues plus loin, assise sur un trottoir, elle les entendait, les cris des gens, les hurlements. Une cigarette glissée entre ses lèvres fines, elle souriait, sortant de sa poche le porte feuille de l'homme qui aura tenté de l'agresser. Les clients payent, avec ou sans marchandise. Quelques années plus tôt, c'est la promesse qu'elle c'était faite. Celle de devenir riche. Gagner beaucoup d'argent. Les gens, ils savent qui elle est, mais personne ne dit rien. Elle trafique dans son coin, se créant peu a peu la vie dont elle a toujours rêvé. Une vie de princesse. Des jolies robes, des manteaux de fourrures, et les plus beaux bijoux. Parce que Daenerys elle belle, et les gens ils se laissent avoir. Les hommes tombent amoureux, les femmes l'envient. Parce qu'avant, elle était la gamine sauvage, celle que l'on n'attrape pas. D'où elle venait, tout le monde l'ignorait. Russe, c'est tout ce qu'on savait d'elle, parce que ça s'entendait a son accent chantant, et aux insultes qu'elle vous balançait. Oui, ça lui arrivait de parler toute seule dans une langue que personne ne comprenait. Une langue qui n'était même pas la sienne, puisqu'elle était née ici Daenerys, au sein d'une Angleterre sauvage. Elle avait apprit de sa mère, qui hurlait sur son père dans sa langue maternelle. Parce qu'ils n'avaient jamais eu d'argent, chose que madame sa mère avait toujours regretté. Elle voulait une grande maison, de jolies choses. Sa fille y avait remédié, sans que monsieur et madame ne sache jamais d'où provenait tout cet argent. Elle bossait dans le commerce, c'est ce qu'elle disait. Ça payait bien. Pas totalement faux. Ouais, ses parents, c'était des gens sans trop de valeurs. Un père travaillant a l'usine, une mère faisant le ménage pour gagner une misère. Des gens bien restés vivre a Londres, dans cette petites maison où Daenerys elle avait grandit avec ses trois grands frères. La baraque familiale. Une vie simple. Mais elle, oui, elle elle c'était fait la promesse que ça ne serrait pas la sienne.