THÉO&DAISY

«Cold war between little dolls»

Désirée s'était levée très tard ce jour là. À vrai dire, elle s'était couchée très tard aussi, donc c'était équitable. Ce n'est pas comme si elle avait dormi quatorze heures de suite, non. La sulfureuse jeune femme avait passé la soirée en boite de nuit, et elle s'était vraiment amusée. Elle avait rit, dansé, dragué, et bu. Bref, elle avait profité, et à son grand étonnement lorsqu'elle émergea doucement des bras de Morphée, il n'y avait aucun homme à ses côté, et malgré son mal de tête horrible, et son trou de mémoire, elle se convainquit qu'aucun homme ne l'avait suivi jusque dans son lit. Par contre, de savoir comment elle était rentrée, et comment elle avait pu dormir dans son lit, qui plus est en nuisette, elle n'en avait aucun souvenir, c'était très flou. C'est donc à quinze heures ce lundi matin qu'elle émergea, ouvrant les yeux doucement, ébloui par la lumière vive qui émanait de l'extérieur. Les volets n'avaient pas été fermés la veille, et tout cela aggrava son mal de tête. Elle avait l'impression d'avoir des milliers de marteaux dans la tête. Passant une main sur son visage, elle ft une grimace lorsqu'elle vit ses doigts couvert de mascara et de paillettes datant de la veille. Elle ne voulait même pas imaginer la tête de ses draps, et d'ailleurs elle n'en fit point de cas, elle se contenta de se lever, non sans mal, la tête et les jambes lourdes.

Enfilant son peignoir, elle s'était dirigée vers la cuisine, et avait bu directement un verre d'eau. Elle en avait grandement besoin. La jeune femme remplit à nouveau son verre et y plongea un cachet effervescent contre le mal de tête. Les paupières tombant toutes seules, elle regarda le cachet se dissoudre dans le liquide, faisant au passage, crépiter l'eau. La blonde bu d'un coup le verre, avant de le poser bruyamment sur le plan de travail. Trainant des pieds, elle alluma la radio, et l'animateur la fit revenir à la réalité en un temps record. «En ce beau lundi du mois d'août, le soleil sera au rendez-vous partout dans le pays.» Écarquillant les yeux, la jeune femme se précipita dans sa chambre, retrouvant d'un coup toute son énergie. Comment avait-elle pu sortir faire la fête un dimanche soir ? En quelques minutes, elle enfila un jean et un débardeur blanc, et se recoiffa très vite. Elle n'était pas en retard, non, c'était pire, elle avait carrément loupé une journée de travail, à cause de son irresponsabilité, encore une fois. «Rah merde !» fit-elle en descendant en hâte les escaliers, prenant au passage son téléphone portable et son sac à main. Même si elle était la directrice, elle devait être à son poste comme tout le monde. Bien sur, elle profitait grandement de son statut, mais ça faisait déjà plusieurs fois que ça arrivait, et elle ne voulait pas à nouveau décevoir son père, même si à ces yeux, elle n'était rien d'autre qu'une grande gamine à qui il fallait tout faire, même à vingt-trois ans. Hélant un taxi, elle consulta son téléphone et vit avec horreur qu'elle avait un tas de messages et d'appels manqués. «Merde, merde, merde !» râla t-elle, ce qui fit sourire le conducteur du taxi. Elle lui lança un regard noir, et lui donna l'adresse d'où il devait se rendre, c'est à dire sur son lieu de travail, à quelques kilomètres de là.

Daisy rentra chez elle à dix-neuf heures. Son grand retard avait créé des problèmes au niveau de la rédaction et elle avait du rester tard pour régler les litiges. Elle se détestait vraiment dans ces moments-là. Pourtant, elle tenait à son magasine, et elle était très douée dans les affaires. Mais bien sur, elle avait pris la bonne idée d'aller faire la fête, et elle payait ses erreurs. Elle acceptait, et assumait complétement. Pour une fois d'ailleurs... Un taxi la déposa donc devant l'immeuble où elle résidait, mais elle n'avait pas vraiment envie de rentrer chez elle, c'est pour cela qu'elle décida d'aller dans un bar du coin. Peut-être y trouverait-elle des gens qu'elle connaissait ? C'était très plausible, encore fallait-il qu'elle s'entende bien avec ces personnes. Oui, les personnes qu'elle aimait bien et qui l'aimait bien elle, étaient très rare, à Sydney. Mise à part Liam, avec qui elle entretenait une relation plus qu'étrange, et surtout très sexuelle, mais bon... ça n'était pas la question. Lorsqu'elle entra dans le petit bistrot, elle reconnu tout de suite une tête qui lui était bien familière. C'était Théodora, la meilleure amie -justement- de Liam. Théo n'appréciait pas franchement Désirée, et quand à la blonde, on pouvait dire que c'était pareil. Elle n'aimait pas la façon dont elle se mêlait de leurs affaires, même si Liam était son meilleur ami. Il avait le droit de coucher et de tomber amoureux de qui il voulait, bordel. Comme à son habitude, Désirée commanda une vodka et vint s'asseoir à côté de Théodora. Chieuse, elle l'était, agaçante aussi, et au quotidien, alors elle ne changerait pas ses habitudes, surtout avec la jeune femme brune. Elle voulait lui montrer qu'elle faisait ce qu'elle voulait avec Liam, qu'elle n'avait rien à lui dire. «Théodora, comme ça me fait plaisir de te voir !» dit-elle avec son sourire le plus hypocrite.

La dernière personne qu'elle voulait croiser aujourd'hui était bien Théodora, une fille qu'elle n'aimait pas, et qui ne l'aimait pas non plus d'ailleurs. Désirée était en tort dans l'histoire, mais ça, jamais elle ne l'avouerai, oh non ! En fait, Daisy avait couché avec le petit-ami de Théodora quelques mois auparavant, mais que voulez-vous ? Elle n'y pouvait rien si elle ne lui donnait pas ce qu'il voulait ! Et bien sur, ils ont été surpris par la demoiselle, qui s'est empressé de cracher son venin sur son ennemie, qui se fit un malin plaisir à la provoquer. Depuis, c'était réellement la guerre entre elle, à chaque fois qu'elles se croisaient, ça tournait mal de toute façon. Et puis il y avait l'histoire avec Liam, le meilleur ami de Théo, et l'amant -si on peut le qualifier comme ça- de Désirée. Et le fait que cette dernière joue avec lui, ça elle ne le supportait pas, ça la mettait réellement en colère, mais comme la blonde n'est pas du genre à se laisser faire et à obéir à ce qu'on lui dit, elle prend plaisir à rappeler à la jeune femme que Liam n'a d'yeux que pour elle, qu'elle le veuille, ou non.

Elle s'assit donc à côté de Théodora, qui venait de renverser sa limonade, tuant au passage son téléphone portable. Tout en s'asseyant à ses côtés, la blonde ricana, buvant une gorgée de sa vodka. Théodora lui parla, feignant un sourire des plus faux et lui fit remarquer que la fête commençait de plus en plus tôt pour son interlocutrice. Buvant une nouvelle gorgée, Désirée répondit sur un ton peu amical. «Et toi, tu ne devrais pas être en train de jouer du piano ?» Désirée voulait lui faire comprendre qu'elle faisait ce qu'elle voulait, quand elle voulait, et en plus de ça, elle se moqua de son job, ou de sa passion. De toute façon, elle n'en avait que faire. Franchement, elle ne l'aimait pas, et comme c'était réciproque, tout était parfait. À vrai dire, elle n'avait pas beaucoup d'amis à Sydney, mis à part Aria, et puis Liam, mais ce n'était pas pareil, par contre, il y avait beaucoup plus de gens qui ne l'aimait pas. En à peine quelques mois qu'elle était là, elle avait réussi à se mettre à dos pas mal de personnes, mais elle n'était pas du genre à avoir cinquante amis. Elle était déjà très peu sociable, et puis elle avait vraiment un sale caractère, ça n'aidait pas franchement. Et Daisy savait, les amitiés fortes, ce n'était pas son truc, elle se lassait trop rapidement. La preuve, Liam. Le jeune homme était réellement devenu amoureux d'elle, sans qu'elle ne puisse rien y faire, et elle n'avait développé aucun sentiment à son égard. Ils couchaient ensemble, il posait pour elle, et elle le payait, ça s'arrêtait là. L'amour, Désirée n'y avait jamais cru, n'y croirait jamais, et c'était aussi bien comme ça. Aller de lit en lit lui suffisait, ça la contentait, elle n'avait pas besoin de plus. Elle avait vu trop souvent des collègues, des connaissances se déchirer à cause de ça. C'était simple, l'amour n'était qu'un tas de problèmes, qui vous pourrissait la vie de jours en jours.

«Tu n'aurais pas vu Liam aujourd'hui ? Hier il a oublié quelque chose chez moi.» Elle sortit de son sac un gilet, qui en effet, appartenait au jeune homme. Elle le donna à Théodora, avec un sourire froid, et ajouta. «Je lui aurais bien rapporter, seulement... je ne sais plus où il habite.» Dernier sourire glacial et dénué de sentiments, et elle retourna à son verre. Elle avait su son adresse, mais elle ne se souvenait plus, ou ne voulait plus se souvenir, peu importe. Elle savait juste que c'était par ici, à Potts Point. Elle en vint à se demander pourquoi elle avait atterri ici, ce soir, alors qu'elle vivait à Paddington. Elle ne chercha pas plus loin, et se dit simplement qu'elle avait voulu s'éloigner de son train-train quotidien, en venant ici, dans le quartier des pauvres.

La remarque de Désirée à propos du travail de Théodora n’avait rien d’anodin et Théo le savait que trop bien.
Désirée était le genre de femmes à se moquer des plus pauvres et d’ailleurs les appeler les « pauvres ». Elle trouvait le travail de Théodora exactement au même niveau que sa personnalité : pauvre et inutile.
Théodora lui lança un regard noir et répondit alors :

« Et toi ? Tu n’as pas d’autres couples à briser ce soir ? »

Théo but une gorgée de sa boisson se disant qu’il serait temps qu’elle s’éloigne de cette garce qu’était Désirée avant de commettre un meurtre.
Désirée avait le don de la mettre en rogne et lui casser les pieds à chaque fois qu’elle la voyait, rien que son style, ses vêtements trop riches, ses airs supérieurs lui donnaient envie de la claquer.
A la base, Théo aurait très bien put l’oublier facilement et passer à autre chose, mais avec son meilleur ami tombant raide dingue de cette blondasse et Désirée lui tournant autour, elle ne pouvait pas laisser ça arriver.
En parlant de Liam, Désirée poursuivit d’un air sarcastique demandant à Théo si elle n’avait pas vu Liam aujourd’hui. Elle rigole j’espère ? Liam & Théodora sont voisins, Théo le voit quasi tous les jours. La jeune femme sortit alors un gilet de son sac le donnant à Théo. Celle-ci l’avait très bien reconnu, en même temps, Liam n’avait pas une armoire énorme non plus.
Théodora prit le gilet des mains de Désirée et regarda le gilet quelques secondes puis leva les yeux vers Désirée souriant froidement à Théodora.
Théodora fronça les sourcils comprenant une nouvelle fois, que tout ceci était de la provocation et que Désirée cherchait simplement à enrager Théodora, et ça marchait parfaitement. Théodora leva un sourcil et la fixa à présent vraiment agacée, elle finit par prendre le gilet et le mettre dans son sac à elle et sans même regarder Désirée elle la menaça d‘un ton froid :

« Tu ferais mieux de rester loin de lui Désirée. »

A cette phrase, Désirée tourna la tête vers Théodora, celle-ci but une gorgée de sa limonade et la regarda à son tour. Elle ajouta :

« Tu n’as rien à faire avec lui, je sais comment tu es Désirée : Tu vas le manipuler, l’utiliser et le jeter après. Mais crois-moi, je serais te le faire regretter si tu le fais souffrir. »

Les deux jeunes femmes se regardaient d’un regard meurtrier, on aurait dit qu’à tout moment, elles allaient se sauter dessus et se crêper les chignons.
Pourquoi elles se détestaient autant ? C’était de la faute à Désirée évidemment : Théodora ne la supportait plus à partir du moment où elle avait couché avec son ex petit ami alors qu’elles étaient encore amis. Elle savait exactement sa technique, sa manière de faire, Désirée était le genre de femme qui se fichait bien avec qui elle était, elle s’amusait, couchait à gauche et à droite, brisait des couples et trouvaient ça drôle et c’était tout ce qui comptait.
Sauf que Théodora n’a aucun doute sur les sentiments de Liam pour Désirée mais elle n’avait aucun doute que Désirée n’avait aucun sentiment pour Liam aussi et ça, elle ne pouvait pas l’accepter. Désirée était en train d’utiliser son meilleur ami exactement de la même manière qu’elle avait utilisé Théodora il y quelques mois et qu‘elle avait utilisé tous les hommes qui étaient passés dans son lit. Désirée n’est pas fréquentable, encore moins pour son meilleur ami. Pas ses affaires ? Tant pis, Théodora voulait à tout prix les séparer. Le jour même où Théodora avouera à Liam que Désirée avait couché avec son ex petit ami, elle ne doute pas qu’il apprécierait moins Désirée… enfin Théodora espérait qu’avouer la trahison de Désirée à Liam le ferait réaliser combien Désirée n’était pas pour lui…
A moins que son amour pour elle l’est complètement aveuglé…
Peu importe, si Désirée faisait souffrir Liam, Théodora se chargera de le lui faire regretter, il n’y a pas de doute.

Ça ne faisait à peine que quelques minutes qu'elles se parlaient que déjà Désirée en avait marre. Elle avait eu quoi ? Une chance sur cinquante mille de tomber sur la personne qu'elle détestait le plus dans cette ville, et comme par hasard, c'était arrivé. Déjà qu'elle avait passé une mauvaise journée, alors retrouvé Théodora ici, ça ne lui plaisait guère, ça la dérangeait même. En même temps, elle se demandait bien ce qui lui était passé par la tête pour venir boire un verre dans Potts Point. Elle devait vraiment avoir passé une mauvaise journée... Et voilà qu'à présent, Théodora remettait sur le tapis une histoire vieille de plusieurs mois, et qui était depuis bien longtemps sortie de la mémoire de la blonde. Exaspérée, elle leva les yeux au ciel, sirota à nouveau son verre, et répondit à son ancienne amie. «T'es restée à cette histoire, vraiment ? Je t'en prie, évolue un peu. De toute façon, il était nul ce mec.» La provocation, le désintérêt, c'était les domaines de prédilection de la belle. Elle n'avait pas à se forcer pour se moquer des autres, c'était quelque chose d'inné, en même temps, elle avait toujours su répondre à son père, ça l'avait forgée. Elle n'avait jamais eu une vraie famille, ni de véritables amies, et maintenant elle se méfiait de tout le monde, se servait des gens. On ne lui avait tout simplement pas appris à aimer. Et puis au fond, aimer, c'est quoi ? S'embrasser, se promettre mille et une chose et à la fin se détruire ? Non merci. Elle vivait très bien sa vie de libertine, elle ne se souciait pas de savoir si oui ou non elle plaisait à tel ou tel homme, ils étaient presque tous à ses pieds, et puis sa liberté, elle y tenait, comme à la prunelle de ses yeux, ou à la lentille de son appareil photo. Alors elle s'amusait avec les hommes, avec les femmes, aussi. Plus rarement.

Désirée sortit le gilet de Liam de son sac, et le tendit à Théodora, qui le prit et le rangea dans son sac à elle. Puis sans même un coup d'oeil, elle se mit à menacer Désirée, ce qui la fit bien rire. «Sinon quoi ? Tu vas allée lui révéler que je suis une fille trop facile, manipulatrice, narcissique et j'en passe ? Mais enfin, tout ça il le sait Théodora.» Elle avait dit cela avec un ton bien trop calme, avec une voix suave et méprisante, digne d'une grande comédienne, sauf que là, elle ne jouait pas du tout. Elle était belle et bien Désirée Lesther, et non, elle ne faisait pas la comédie. Fière, elle l'était, et tout les adjectifs qu'elle avait cité, aussi. La jeune femme termina son verre et en recommanda un autre, d'un simple coup d'œil au barman, qui observait les deux jeunes femmes depuis un moment, l'air inquiet. Il devait entendre leur conversation, et devait avoir peur que tout cela parte réellement en cacahuète.

Scrutant Théodora, elle ne savait pas ce qui la retenait de la gifler, ses airs supérieurs l'insupportaient, comme si elle, elle était pure tel de l'eau de source. C'est alors qu'elle se rendit compte d'une chose, et elle allait en jouer, s'y amuser même. «En fait, tu sais quoi ? Je sais ce qui ne va pas. Non seulement je t'ai soi-disant volé ton copain, mais tu ne supportes pas le fait que ton meilleur ami ai ses pensées dirigées vers moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ça, ça t'énerves.» C'était dit au moins. L'honnêteté, c'était aussi très connu chez Désirée, elle n'avait pas sa langue dans sa poche, et quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait, que ça fasse mal, ou pas. Elle se contre-fichait aussi pas mal de ce que l'on pouvait penser d'elle. Elle prit son verre, le vida d'un coup, et se tourna à nouveau vers la brune. «Ah aussi. Je n'y peux rien si il s'accroche plus à moi qu'à toi.»